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Juliette Jarry (promo 2002) Vice-présidente déléguée aux infrastructures, à l'économie et aux usages numériques

Portraits

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03/05/2021

Tu as été diplômée de l’IEP en 2002, en section Internationale, tu as réalisé ton stage au Consulat de France à Barcelone au service communication. Peu de temps après, tu as créé ton entreprise, Adéa Présence, une entreprise spécialisée dans l’accompagnement à domicile des personnes âgées, d’enfants et d’adultes handicapés.

Est-ce que la voie de l’entrepreneuriat te séduisait depuis toujours? Quel a été le facteur déclencheur du passage à l’acte ?

J'ai créé mon entreprise à la fin de mes études. Après mon parcours à l'IEP et une année Erasmus en Espagne, j'ai suivi un mastère de sciences politiques à Paris, rédigé mon mémoire et pris la décision, en 2005, de créer mon entreprise. Une décision qui pouvait sembler surprenante mais après avoir cherché du travail pendant 3 ou 4 mois, j'avais l'impression de ne pas "rentrer dans les cases" (en tout cas sur les sites d'offres d'emploi !). Je ne savais pas à quel type d'annonce répondre car j'avais envie d'un projet avec beaucoup d'autonomie, des responsabilités, un challenge ... Pas évident à trouver quand tu as 23 ou 24 ans et que tu es jeune diplômée ! 

Je n'ai jamais pensé à la création d'entreprise durant mes études à Sciences po, je pense que j'en avais même une vision très déformée, très macro-économique. En 2005, j'ai fait ce choix en envisageant l'entreprise à la fois comme la meilleure façon de trouver un poste qui me plaise et comme un moyen au service d'un projet qui faisait sens pour moi. Ma grand-mère était en perte d'autonomie et je n'appréciais pas la façon, infantilisante, dont elle était accompagnée pour les gestes de la vie quotidienne. J'ai décidé de créer un service d'aide à domicile différent, basé sur le lien intergénérationnel et sur la valorisation des personnes aidées. J'ai donc suivi une formation pendant 6 mois qui m'a permis de valider le business plan, les questions juridiques, fiscales, sociales ... En 2006, après les démarches administratives, l'attente de l'agrément, la recherche de locaux ... Adéa Présence était née.

Quels défis as-tu rencontrés pendant les premières années après la création de ta structure ? 

Les principales difficultés ont été mon âge ... et mon absence totale de connaissance du secteur ! Mais à l'idée de difficultés, je préfère celle d'opportunités car à chaque fois, elles m'ont obligée à me dépasser et à développer des compétences que je ne soupçonnais pas ... et comme je voulais un challenge, j'étais servie ! J'ai rencontré beaucoup de professionnels pour échanger et réalisé une étude de marché pour mieux comprendre les attentes ou les manques du secteur. J'ai aussi beaucoup lu tout ce qui paraissait mais on était au tout début de la loi Borloo (ouverture du secteur des services à la personne aux entreprises), la réglementation était encore très incomplète et les règles du jeu pas vraiment stabilisées. Les services de l'Etat se posaient autant de questions que les "défricheurs" que nous étions, d'une certaine manière, nous avons construit ensemble. 

Sur quels sujets as-tu du monter en compétences rapidement pour créer et faire grandir ton entreprise ?

Créer cette entreprise, cela a aussi signifié devoir être très polyvalente. Au début, je n'avais pas les moyens de recruter des collaborateurs sur les fonctions support. J'ai donc été RH, gestionnaire paie, responsable marketing et communication, comptable, réparatrice d'imprimante ... J'ai beaucoup travaillé, énormément appris. C'est extrêmement formateur et surtout cela te permet de mieux comprendre le travail et les questions de tes collaborateurs au fur et à mesure que tu as la possibilité de déléguer des tâches. J'ai développé, avec leur arrivée progressive, mes réflexions sur le management. C'est selon moi la partie la plus complexe de la vie d'une entreprise, avec le recrutement (Adéa Présence a recruté plusieurs centaines de salariés depuis sa création). 

As-tu bénéficié d’un accompagnement quelconque à tes débuts (entourage/des professionnels etc.) ? 

J'ai eu la chance d'être lauréate deux fois du Réseau Entreprendre. Au-delà du prêt d'honneur dont j'ai pu bénéficier et qui a sécurisé mon développement, cela m'a permis d'être accompagnée par des chefs d'entreprise confirmés que je voyais chaque mois. Leurs retours étaient précieux, bienveillants mais exigeants. C'est aussi lors de ces échanges que je pouvais faire part de mes doutes ou de mes inquiétudes. La solitude du chef d'entreprise n'est pas un mythe et il est donc primordial d'avoir des espaces de dialogue libre avec des pairs pour prendre un peu de recul. 

En 2015, tu tentes l’expérience politique lors des élections régionales. Tu es actuellement Vice-Présidente déléguée au Numérique auprès du Conseil Régional Auvergne Rhône-Alpes. 

Grand changement après 10 ans d’entrepreneuriat ? Quelles sont tes responsabilités et comment ça se passe au quotidien ? 

En septembre 2015, Laurent Wauquiez m'a sollicitée pour prendre la tête de la liste de la Métropole de Lyon pour les élections régionales. J'ai beaucoup hésité avant de lui répondre car j'avais deux enfants en bas âge, une PME de presque 50 personnes et que je n'avais pas prévu d'y ajouter un mandat de conseillère régionale. Ce qui m'a décidée, c'est que je ne voyais pas beaucoup de femmes, de jeunes ou de chefs d'entreprise parmi les élus que je connaissais. Or je suis convaincue que pour que la politique intéresse à nouveau (au sens de susciter de l'engagement et pas seulement des commentaires), les élus doivent être plus représentatifs de la société. Par ailleurs, l'échelon régional me semblait passionnant car il mêle la proximité à des vraies capacités d'action, renforcées sur les questions économiques par la loi NOTRe. Après un engagement en tant que chef d'entreprise et employeur, j'ai abordé un autre aspect de la "vie de la Cité" et pris ma part en tant qu'élue. J'étais, et je reste, non-encartée. 

Je suis aujourd'hui Vice-présidente déléguée aux infrastructures, à l'économie et aux usages numériques. Ma délégation couvre des sujets comme le soutien des déploiements en très haut débit dans les zones rurales de la région ou l'accompagnement des entreprises dans leur transformation numérique ... Je pilote notamment depuis 2016 le projet du Campus Région du numérique (campusnumerique.auvergnerhonealpes.fr). Pensé comme un Hub, un outil pour favoriser l'émergence de compétences, de collaborations et d'innovation, le Campus s'est construit autour d'un triptyque "formation / transformation / innovation". Le projet s'incarne dans un bâtiment, l'ancien siège de la Région Rhône-Alpes à Charbonnières, qui a été rénové mais aussi dans le maillage territorial. A titre d'exemple, nous avons aujourd'hui près de 150 formations au numérique labellisées Campus sur l'ensemble des départements. Elles couvrent du niveau brevet au niveau bac +6, en formation initiale ou continue et sur l'ensemble des compétences cœur et connexes au numérique (expert IA ou cybersécurité, soudeur en fibre optique, rédacteur de contenus Web, architecte réseaux, développeur...). Nous avons également travaillé avec nos partenaires (chambres consulaires, organisations patronales, ENE, agence Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises...) pour mettre en place un réseau de correspondants numériques en proximité des besoins. Enfin, nous avons construit un démonstrateur sur l'industrie du futur pour permettre aux entreprises industrielles de découvrir les solutions existantes ou d'accélérer l'intégration de briques technologiques ou de nouveaux process. 

Sur l'ensemble de ces actions, nous avons porté une attention particulière à la question de la mixité dans le numérique afin de mieux faire connaître les formations existantes et les opportunités de carrière. Bien au-delà de la question statistique, c'est à mon avis un grand enjeu sociétal pour les années qui viennent...

Je tiens à souligner qu'outre les nombreux acteurs mobilisés sur notre territoire et avec lesquels nous avons construit notre feuille de route stratégique, j'ai la chance d'être accompagnée par des services d'une grande compétence et très impliqués. C'est précieux au quotidien ! 


 

Si je devais terminer par un mot, j'insisterais sur la nécessité en politique, peut-être encore plus qu'ailleurs, que des profils variés, créatifs, capables d'une vision prospective fassent entendre leurs voix. Nous sommes face à de grands défis, notamment pour rendre notre système public, au sens large du terme, plus efficient, plus réactif, plus adapté aux évolutions rapides du monde. C'est un défi passionnant mais qui requiert une mobilisation significative ! Et en la matière, aucun colibri ne sera de trop...

 


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