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Portrait d'Alumni - Elisabeth Beton-Delegue (promo 1980) - Ambassadrice près le Saint Siège

Portraits

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01/03/2022

Je suis entrée au Quai d’Orsay grâce à l’opportunité offerte par mon rang de classement à la sortie de l’ENA, que j’avais préparé car je voulais servir l’Etat. Je n’avais pas d’idées très précises sur le métier diplomatique, en revanche un vrai attrait pour l’étranger et le désir de ne pas m’enfermer dans une spécialité : ce que le Quai d’0rsay m’a offert durant quarante ans, avec des affectations choisies ou non, sans plan de carrière préétabli, avec une alternance régulière entre l’étranger et la France, principe qui est la règle aujourd’hui mais qui l’était moins il y a vingt ans.

A grands traits, mon parcours m’a permis de me confronter à l’étranger   aux réalités de la guerre et de régimes totalitaires ou dictatoriaux (Irak de Saddam Hussein, Ethiopie de Mengistu), du sous-développement et de l’extrême pauvreté (Madagascar, Haïti) et aux dilemmes  de l’aide au développement , ceci dans des univers culturels très différents du monde occidental. La deuxième partie de ma carrière a été latinoaméricaine , mon premier poste d’ambassadeur a été le Chili, puis j’ai été affectée au Mexique après 4 ans comme directrice des Amériques où j’ai sillonné ce continent, confronté à de multiples défis mais mu aussi par une énergie et créativité impressionnantes et des affinités culturelles évidentes avec l’Europe. A Paris, j’ai essentiellement œuvré dans le champ de la coopération et de l’action culturelle dont j’ai aimé le caractère opérationnel et ouvert sur un large éventail de partenaires du monde universitaire et de la recherche, fonctions qui aujourd’hui ont été largement transférées à des opérateurs.

Rome saint Siège, poste singulier comme j’ai tenté de vous le présenter, fait ainsi résonance avec mon expérience, eu égard à l’attention donnée aux périphéries et aux plus déshérités du Pape François, premier pape non européen de l’histoire de l’Eglise. Que livrer de ces diverses expériences ? En poste comme en administration centrale, on a vite des responsabilités mais toujours comme maillon d’une chaîne, dans un Ministère qui conjugue une structure hiérarchique avec une    transversalité indispensable vu l’intercorrélation des sujets.  La capacité d’adaptation est essentielle tout comme l’investissement personnel car ce métier exige autant qu’il donne et absorbe complètement, au péril souvent des équilibres familiaux.  A la tête d’une ambassade, on dispose d’une large autonomie et de son corollaire, une pleine responsabilité avec des décisions et arbitrages à opérer, parfois très difficiles s’agissant de décisions individuelles ou dans les situations de crise notamment, où la solidité de l’équipe est un facteur primordial. Solidité qu’il revient au chef de poste de construire par son mode de management et son équation personnelle. Le temps d’une affectation, trois ans en moyenne, est bref et ne permet pas de récolter ce que vous avez semé, legs que vous laissez à votre successeur. Ce que vous avez tenté de construire avec des partenaires de la société civile locale et de l’Etat peut être ravagé par l’insécurité et l’effondrement de l’Etat, comme en Haïti par exemple : c’est une leçon d’humilité.

Je conclurai en disant qu’à mon sens, le moteur du diplomate, c’est le goût des autres et le sentiment très fort de servir son pays en étant un décrypteur des pays où l’on sert et un tisserand de relations.

Choisir la diplomatie, c’est choisir un mode de vie, qui inclut le nomadisme géographique, source d’enrichissement et d’expériences uniques chaque fois, mais aussi de contraintes fortes au niveau familial. C’est un métier qui exige un investissement total et qui en retour, vous met en tension intellectuelle permanente et vous offre une vaste gamme d’opportunités qui permet d’élargir sans cesse vos champs de compétence.

 

Mon expérience à Sciences Po Lyon a été limitée car je travaillais en même temps pour assurer mon autonomie financière et ai plus fréquenté les polycops que les salles de cours, à une époque où les cours magistraux étaient de mise.  Sciences Po m’a offert une ouverture sur le monde, le monde des idées comme l’international, et donné une bouffée d’air par rapport au carcan des études de droit. Sciences Po Lyon a été l’élément déclencheur de mon choix du service public qui m’a conduit ensuite en prep ENA à Sciences Po Grenoble.

 


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